Le Mexique, terre de contrastes et de passions politiques, semble aujourd’hui mêlé d’une atmosphère paradoxale. Malgré une campagne électorale marquante, l’ombre de la déception plane sur le pays. Comment interpréter ce sentiment ambivalent qui anime la société mexicaine après ces élections ? Analysons ensemble les enjeux et les implications de cette situation inédite.
Un affrontement historique entre deux femmes aux ambitions présidentielles
Le scénario électoral de cette année au Mexique restera dans les annales : pour la première fois, deux femmes aux curriculums impressionnants se disputent la présidence du pays. D’un côté, Claudia Sheinbaum, ancienne mairesse de Mexico et protégée du président actuel, Andrés Manuel López Obrador (AMLO), en lice pour l’alliance de gauche “Continuons à écrire l’histoire”. De l’autre, Xóchitl Gálvez, ancienne sénatrice et femme d’affaires, représentant l’alliance des oppositions de centre gauche à conservateur.
Des attentes déçues
Malgré les grandes attentes, la campagne n’a pas tenu ses promesses. Julian Durazo-Herrmann, professeur de politique comparée à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), exprime sa déception, notant que les débats télévisés ont été marqués par des attaques personnelles plutôt que par de réels échanges d’idées. En passant quelques jours à Mexico, il est évident que le pays a fait son choix depuis longtemps.
Les électeurs semblent fermement ancrés dans leurs positions, rendant la campagne électorale finalement insignifiante. Claudia Sheinbaum, toujours en tête des sondages avec une avance notable, est la favorite, tandis que Xóchitl Gálvez lutte pour rattraper son retard. Les promesses de campagne, jugées trop générales et non chiffrées, n’ont guère suscité l’enthousiasme des citoyens.
Un thème central, l’insécurité
L’insécurité demeure un enjeu majeur dans la campagne électorale. Claudia Sheinbaum veut poursuivre la politique “Abrazos, no balazos” d’AMLO, prônant le dialogue avec les gangs armés. En revanche, Xóchitl Gálvez propose une approche plus sévère pour combattre la criminalité. Les accusations de liens entre le parti du président et les groupes criminels n’ont fait qu’augmenter la polarisation.
Les féminicides au cœur des préoccupations
Le thème de l’insécurité aurait pu être une opportunité pour aborder les féminicides, un problème pressant avec près de 10 cas par jour selon les groupes féministes. Pourtant, les deux candidates n’ont pas proposé de mesures concrètes pour s’attaquer à la violence contre les femmes. Elles ont simplement soutenu la décision de la Cour suprême sur l’avortement sans présenter de programmes spécifiques pour renforcer les droits des femmes.
Déception des mouvements féministes
Claudia Sheinbaum et Xóchitl Gálvez, malgré leur origine dans les mouvements féministes, n’ont pas su répondre aux attentes de ces groupes. Martha Singer Sochet, professeure de sciences politiques à l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM), souligne le manque de propositions tangibles pour l’avenir, ce qui représente une grande déception pour les jeunes féministes militantes.
Le risque d’une désillusion politique plus large
En juin, plus de 20 000 postes à tous les niveaux de gouvernance seront en jeu. Même si Claudia Sheinbaum est en position de remporter la présidence, le manque d’effet d’entraînement dans les autres élections pourrait freiner la mise en place de ses promesses électorales, en l’absence d’une majorité au Congrès ou dans les divers États du Mexique.